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Un entrepôt Amazon près de Rouen : et si c’était une bonne nouvelle ?

France Bleu se fait l’écho depuis quelques jours de réflexions d’Amazon pour implanter un centre logistique sur l’ancien site de Petroplus à Petit-Couronne. Ce serait selon moi une bonne nouvelle pour 4 raisons.

1- Une bonne nouvelle pour l’emploi

Comme l’indique l’article de France Bleu, Amazon pourrait ouvrir « un lieu de stockage plus important encore que celui d’Amiens (…) qui compte plus de 500 salariés. » La surface pourrait être aussi grande que l’entrepôt de l’entreprise près d’Orléans (100 000 m2) qui emploie 1000 salariés, un chiffre qui double à certaines périodes de l’année.

Peut-on vraiment refuser 500 emplois ? Je ne le crois pas, d’autant plus qu’à l’échelle du bassin d’emplois de Rouen, nous avons un taux de chômage de 8,9 % (cependant en baisse de 0,7 point sur un an) qui est supérieur à la moyenne nationale (8,2 %). Ce sont ainsi 26 962 personnes qui sont sans aucune activité (catégorie A de Pôle Emploi) et qui attendent de pouvoir travailler. S’opposer à ces emplois, c’est s’opposer à ce que des centaines de familles puissent sortir la tête de l’eau.

2- Bonne nouvelle pour la fiscalité

Si Amazon venait à s’installer sur notre métropole, ce serait aussi une bonne nouvelle pour les recettes fiscales locales. En effet, les entreprises sont soumis à un grands nombres d’impôts locaux. Nous pouvons citer la CFE (cotisation foncière des entreprises) qui est l’équivalent de la taxe foncière pour les entreprises ou encore la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Il n’est pas possible d’y échapper et il n’y a pas d’optimisation fiscale possible. Ces impôts viennent abonder les finances des communes et de la métropole de Rouen et permettraient d’augmenter le budget de certains domaines comme l’entretien des routes ou des investissements en plus comme Coeur de Métropole ou la rénovation des quais bas rive gauche. 

Les entreprises doivent aussi s’acquitter du versement transport (1,80 % de la masse salariale de l’entité présente sur le territoire) qui permet de financer le réseau de transports en commun de l’agglomération. A raison de 500 salariés, on dépasserait largement les 100 000 € par an. Il y a également la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères) qui permet de financer la collecte et le traitement des déchets sur notre territoire. Au total, ce serait plusieurs centaines de milliers d’euros par an de recettes nouvelles au bénéfice du contribuable.

Au niveau national, Amazon est également tenu de payer les cotisations sociales et patronales (là aussi impossible d’y échapper ou d’optimiser), la TVA et enfin l’impôt sur les sociétés. Comme vous le savez, Amazon fait de l’optimisation fiscale sur l’impôt sur les sociétés pour réduire le montant qu’il doit payer. Alors que le taux d’impôt sur les sociétés est de 28 % (il baissera à 25 % en 2022), Amazon paye beaucoup moins que cela. Pour compenser ce manque à gagner, nous avons mis en place la taxe GAFA (de 3 % du chiffre d’affaires) depuis l’année dernière et qu’Amazon doit payer. Un travail est également en cours au sein de l’OCDE qui devrait aboutir dans le courant de l’année pour mettre fin à ces logiques d’optimisation fiscale en revoyant les règles fiscales entre pays et en étendant la taxe GAFA aux 36 pays membres de l’OCDE. Ce combat est pris à bras le corps par la majorité LREM et nous le gagnerons contre la concurrence déloyale entre les géants du numérique et les petits commerçants.

3- Une bonne nouvelle pour l’environnement

1 français sur 3 de plus de 18 ans a commandé au moins une fois un produit sur Amazon en 2018 selon Kantar. Le poids de cette entreprise est donc considérable dans notre pays avec un chiffre d’affaires estimé à 6,6 milliards d’euros en 2018. Le seul problème de cette présence très forte d’Amazon en France est son impact environnemental. C’est d’autant plus vrai qu’un produit commandé par un Rouennais sur Amazon doit être acheminé par camion depuis les entrepôts de l’entreprise en région parisienne, à Amiens ou Orléans. Ce sont donc des centaines de kilomètres qui sont parcourus presque exclusivement par camion. S’il existait un entrepôt Amazon au sein de l’agglomération rouennaise, les produits seraient acheminés jusqu’aux clients rouennais avec des camions plus petits et donc moins polluants (voire pas polluant du tout avec des véhicules électrique ou hydrogène) et réalisant des distances plus courtes, ce qui réduit d’autant l’impact environnemental de la livraison.

Qu’Amazon choisisse Rouen pour implanter un entrepôt, c’est aussi pour l’entreprise la possibilité de profiter de la mer et de la Seine. En effet, on pourrait imaginer que les produits vendus sur Amazon fabriqués et acheminés depuis l’étranger puissent arriver au Havre par bateau et remonter la Seine jusqu’à l’entrepôt. De fait, l’ancien site de Pétroplus est idéalement situé en bordure de Seine. On pourrait même imaginer des barges partant de cet entrepôt pour rejoindre la région parisienne et livrer ainsi les parisiens avec un moyen de transport vertueux pour l’environnement. En bref, choisir d’implanter un entrepôt à Rouen pour Amazon est une opportunité pour cette entreprise de profiter de nos infrastructures et de mettre en place une vraie transition, plus respectueuse pour notre planète, de ses modes de livraison.

4- Bonne nouvelle pour notre attractivité

Qu’une entreprise de rang mondial s’implante dans notre métropole est une bonne nouvelle pour l’attractivité de notre territoire. Cela veut dire que l’entreprise croit en ce que nous y faisons, qu’elle valorise les compétences qu’elle peut y chercher et qu’elle s’appuie sur les infrastructures qui y sont présentes. Amazon peut servir de locomotive en nous permettant d’attirer d’autres entreprises de la logistique qui est un secteur essentiel aujourd’hui. En effet, la logistique est la 5e activité économique de la France et elle ne cesse de recruter. D’ici 2022 plus de 500 000 emplois sont à pourvoir dans ce secteur d’activité qui irrigue tous les autres.

Vous avez pensé à nos commerçants ? Oui et ce doit être une priorité 

Une critique que l’on pourrait entendre avec l’implantation d’un entrepôt d’Amazon sur notre territoire, est que cela va tuer le commerce local. La réalité, c’est que cela n’aura strictement aucun impact. Les Français n’ont pas attendu qu’il y ait un entrepôt proche de chez eux pour commander sur Amazon et le fait qu’il y en ait un n’augmentera pas le nombre de commandes. 

Il est certain cependant que le commerce en ligne a un impact sur le commerce de proximité même si on ne s’en rend pas toujours compte. Pour ma part, j’ai plutôt tendance à penser que c’est le commerce de périphérie qui souffre le plus de la montée en puissance d’internet plutôt que le commerce de proximité de centre-ville qui doit être préservé et mis en valeur.

Il faut néanmoins comprendre les raisons pour lesquelles les citoyens commandent sur internet : on peut facilement comparer les prix, voir si les produits que l’on cherche sont disponibles et les commander rapidement. Croire que l’on peut se battre contre le e-commerce en refusant un entrepôt, c’est se tromper lourdement. La bataille est ailleurs et consiste à accompagner les commerçants locaux pour qu’ils puissent être disponibles sur internet.

Les commerces indépendants n’ont pas toujours les compétences ou les moyens financiers d’avoir un site web ou d’avoir la visibilité nécessaire sur internet. La solution est selon moi que la Métropole de Rouen développe un « Amazon des commerçants locaux », une boutique en ligne unique où chaque commerçant de notre territoire pourrait rendre disponible ses produits avec livraison ou click&collect. Une telle plateforme répondrait ainsi aux principales raisons pour lesquelles les citoyens commandent sur internet tout en promouvant les commerçants locaux et l’économie locale. Les recettes de fiscalités locales liées à l’implantation d’un entrepôt Amazon permettraient par exemple de financer la création de cette plateforme. Ce serait gagnant-gagnant pour notre territoire et pour nos commerçants.

Damien ADAM – Député de Seine-Maritime