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French president Emmanuel Macron delivers a speech during a ceremony in memory of the Harkis, Algerians who helped the French Army in the Algerian War of Independence, at the Elysee Palace in Paris, on September 20, 2021. (Photo by GONZALO FUENTES / POOL / AFP)

La France demande pardon aux Harkis et annonce la création d’une Commission de réparation

(Photo by GONZALO FUENTES / POOL / AFP)

Les Harkis ont combattu pour la France et notre pays a ensuite manqué à ses devoirs envers eux. Lors d’un discours marquant un pas de géant pour la reconnaissance et la réparation des Harkis auquel j’ai participé ce lundi 20 septembre 2021, le président de la République a solennellement demandé pardon aux Harkis, au nom de la France. Prenant en compte leur histoire singulière, il a annoncé la création, avant la fin de l’année, d’une Commission chargée de recueillir la parole des personnes concernées et d’évaluer les réparations nécessaires.

Les Harkis, combattants pour la France 

Pendant la guerre d’indépendance algérienne, entre 1954 et 1962, des dizaines de milliers combattants de ce département français ont été recrutés par l’armée française. Connaisseurs du terrain et parlant la langue, ces supplétifs furent un grand atout dans le combat contre les soldats de l’ALN, la branche armée du FLN. L’armée française va utiliser quelques 200 000 hommes, une partie rejoindra d’ailleurs les unités d’élite et de combats de l’armée française.  

En mars 1962, le général de Gaulle reconnaît lors des accords d’Evian l’indépendance de l’Algérie. 

Près de 40 000 harkis, accompagnés de leur famille, seront évacués en France par l’armée car, en dépit de l’engagement du FLN de ne pas exercer de représailles contre les Algériens ayant combattu pour la France, les harkis sont victimes de violences, massacrés et torturés.  Abandonnés, le même nombre rejoint la France de manière illégale afin de sauver leur vie et celle de leur famille. Au total, on estime entre 80 000 et 90 000 le nombre de réfugiés en France entre 1962 et 1965. 

Arrivés en France, ils sont regroupés dans des camps d’internement militaires et vivent dans des conditions sanitaires déplorables. Les services sociaux ne les acceptent pas, les promesses de nationalité française ne sont pas tenues pour ceux qui ont combattu pour la France et les portes de l’école de la République restent fermées pour leurs enfants. Alors qu’ils sont considérés comme des immigrés par la France, que notre territoire ne souhaite ni les accueillir ni les intégrer, leur vie est menacée et rejetée par le pouvoir algérien. Ce fut le terrible sort des Harkis : exclus, assujettis, empêchés, toujours bannis de leur sol natal, bafoués sur leur sol d’accueil.

Ces camps sont fermés en 1975. Depuis, la reconnaissance des souffrances des harkis s’est inscrite dans le débat public. Pour autant, jamais les harkis n’ont reçu la reconnaissance qui leur est dûe. 

La France demande pardon aux Harkis

À l’approche de la journée d’hommage national aux Harkis, fixée au 25 septembre, le Président s’est exprimé lundi 21 septembre 2021 lors d’un discours fort. Il a en effet parlé de la tragédie d’une fidélité bafouée plusieurs fois par les massacres en Algérie, par l’exclusion en France, puis par le déni et le refus de reconnaissance. 

Ils furent près de 200 000 à combattre au nom de la France. Ils étaient interprètes, éclaireurs, pisteurs, guerriers, montaient la garde, tenaient des positions, sécurisaient des points stratégiques, parfois des villages entiers ou des espaces immenses. Ils ont tout risqué, leurs biens, leurs vies, celles de leurs familles, et beaucoup ont tout perdu. La France a des devoirs à l’égard de ceux qui la servent et la défendent. 

Les Harkis ont été et sont des Français, par le sang versé, les combats choisis et leur naissance, à chaque fois. Or, après la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses devoirs envers les Harkis, leurs femmes, leurs enfants. Face à ceux qui l’avaient loyalement servi, notre pays n’a été fidèle ni à son Histoire ni à ses valeurs. 

Il s’agit désormais de réparer autant qu’il est possible ces déchirures. Le souvenir et l’honneur des Harkis doit être gravé dans la mémoire nationale. C’est pourquoi le Gouvernement et la majorité porteront, avant la fin de l’année, un projet de loi visant à inscrire la reconnaissance et la réparation à l’égard des Harkis. Cette loi reconnaîtra l’abandon militaire ainsi que l’abandon et la maltraitance des familles sur le sol français. 

Une Commission nationale pour poursuivre l’objectif de reconnaissance et de réparation

Lors de sa visite en Algérie en 2017, le président de la République avait demandé aux autorités algériennes d’autoriser les français nés en Algérie à visiter leur pays d’origine. Nous nous étions mobilisés, en tant que parlementaires, pour demander au Président de trouver des solutions pour permettre à cette catégorie de personnes de rentrer en Algérie, ou au moins de visiter leurs proches. Car il y a quelque chose de l’apatride mémoriel dans ce qui est la condition des Harkis. C’est ce qui fait cette singularité dans la République et c’est aujourd’hui ce que nous devons, ensemble, pouvoir réparer. Nous ne réparons pas chaque destin, parce qu’il y a quelque chose d’inconsolable dans ce qu’a pu vivre chacune et chacun. Mais nous avons à rebâtir pour les Harkis et pour ce qu’est la nation française, une justice qui redonne à chacun sa place : la juste part de la mémoire, la réparation de ce qui a été subi, et la juste fierté de ce que les harkis sont.

En 2018 nous avions déjà lancé un “plan harkis” de 40 millions d’euros sur quatre ans pour revaloriser les pensions des anciens combattants et aider leurs descendants dans la précarité. Ce fonds est destiné à apporter une aide financière de solidarité aux enfants d’anciens harkis ayant servi en Algérie, qui ont séjourné pendant plus de 90 jours dans des camps ou des hameaux de forestage à la suite du rapatriement de leur famille sur le territoire national et lorsque leurs ressources actuelles ne leur permettent pas de faire face à des dépenses essentielles. Il a été institué pour la période 2019-2022 et fait partie des mesures décidées par le gouvernement à la suite du rapport du groupe de travail « harkis » mis en place en janvier 2018 par Geneviève Darrieussecq à la demande du Président de la République. Ce fonds de solidarité a été dépensé à hauteur de 13 millions d’euros en fonction de critères sociaux et pour 1 800 dossiers. C’est grandement insuffisant et c’est pour cela qu’il est nécessaire d’aller aujourd’hui plus loin.

La Commission annoncée par le Président vise d’abord à réparer les torts envers la première génération et à revaloriser les allocations pour les anciens combattants et leurs veuves

Il s’agit également de recueillir les témoignages et d’agir pour les descendants, qui ont eu à subir des conditions de vie indignes et des inégalités durables dans le temps. Bien qu’aucune réparation pécuniaire ne réparera ce qu’il s’est passé, il y a des réparations à établir.  Nous devons aussi accompagner dans la formation les enfants et les petits-enfants de harkis, les familles qui le souhaitent et aux côtés desquelles nous devons nous trouver. Aujourd’hui, la France doit rendre à chacun à chacun sa juste place : la juste part de la mémoire, la réparation de ce qui a été subi, et la juste fierté d’appartenir à notre pays et à son Histoire.