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Transport aérien : mes propositions pour décarboner le secteur

J’ai été désigné rapporteur pour avis sur la thématique des transports aériens pour le budget 2023 de l’Assemblée nationale. Chaque année, des députés sont désignés pour creuser une thématique en particulier pour le compte de l’assemblée. C’est mon cas cette année sur le transport aérien et pour se faire, j’ai mené 14 auditions et consacré plus de 50 heures de travail  tout au long des mois de septembre et octobre pour proposer des pistes d’amélioration pour le secteur. J’ai présenté les conclusions de mon rapport mercredi 19 octobre devant les membres de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Le secteur aérien est responsable de près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et de 5 à 6 % en France. A ces émissions, il faut ajouter l’impact total sur le climat de l’aviation est trois fois plus important que l’impact du seul CO2, avec toutefois des marges d’incertitude importantes. En effet, l’aviation serait responsable de phénomènes physico-chimiques qualifiés d’« effets non-CO2 », principalement dus aux nuages provenant de l’aviation (traînées de condensation) et aux émissions d’oxydes d’azote (NOx). Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les émissions sont effectuées, c’est-à-dire en haute altitude, seraient susceptibles de modifier l’impact radiatif des gaz rejetés. Pour le dire autrement, le pouvoir « réchauffant » de ces gaz est susceptible d’être supérieur, pour une quantité de molécules donnée, à celui de gaz émis dans d’autres conditions.

La décarbonation du transport aérien constitue donc un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. C’est pourquoi, je me suis attaché à proposer dans mon rapport plusieurs pistes véritablement opérationnelles afin d’accélérer la décarbonation du secteur aérien. 

1.  Accélérer le développement des carburants d’aviation durables

Le recours à des carburants d’aviation durables (SAF en anglais, pour « sustainable aviation fuel ») doit être accru. Ces carburants durables permettent d’obtenir 80 à 90 % de réduction des émissions de CO2, par rapport au kérosène. Depuis le 1er janvier 2022, l’objectif d’incorporation est fixé à 1 % et doit progressivement augmenter. Or, les compagnies aériennes peinent à s’approvisionner. Le coût des carburants durables reste par ailleurs trop élevé (4 à 6 fois plus cher que le kérosène). 

Il est donc urgent, selon moi, d’accentuer le soutien public à la production de carburants durables afin de favoriser la structuration d’une filière viable et la massification de la production. En plus d’œuvrer à la décarbonation du secteur aérien, cette filière contribuera à la création d’emplois et renforcera l’indépendance énergétique de la France. 

2.  Optimiser les trajectoires de vol

L’optimisation des trajectoires de vol permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien de 6 % à 10 % lors des phases de décollage, d’approche et d’atterrissage. Toutefois, les descentes continues telles qu’elles existent actuellement présentent un intérêt car elles améliorent la situation de la grande majorité des populations habitant à proximité des aéroports en termes de réduction de la pollution et du bruit. Toutefois, l’impact est moins certain pour ceux dont les habitations se situent au départ des trajectoires de descente des avions. 

Il convient donc d’aider toutes les personnes potentiellement touchées via l’attribution rapide d’aides à l’insonorisation. Ces aides sont financées par la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), dont les recettes se sont effondrées en raison de la chute du trafic aérien. C’est pourquoi une avance de l’État, qui soit ensuite remboursable progressivement sur les recettes de la TNSA, doit être accordée.

3.  Sensibiliser les consommateurs pour modifier les comportements

Chacun, à son échelle, doit prendre conscience de l’impact des trajets en avion sur le climat et, lorsque cela est possible, limiter ses voyages en avion. 

Afin de sensibiliser et de responsabiliser les consommateurs, je propose la création d’une plateforme internet unique, également déclinée en application mobile, présentant le « budget carbone aérien » par an de chaque citoyen. Celui-ci pourrait suivre l’évolution de son budget carbone, ainsi que la consommation en carbone de chacun de ses trajets effectués en avion au départ ou à l’arrivée de France. 

4.  Encourager le report modal de l’aérien vers le ferroviaire

D’abord, je rappelle que la loi « climat et résilience » interdit les liaisons aériennes lorsqu’il existe une alternative ferroviaire (hors correspondance) de moins de 2 heures 30 (Paris-Lyon, Paris-Bordeaux…Etc.). 

Je propose d’aller plus loin :

D’ici 2030, interdiction des trajets aériens lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 3 heures (Paris-Marseille notamment). Cette interdiction ne concernerait pas les avions décarbonés hydrogène ou électrique.

Intégrer les vols en correspondances dans l’interdiction. Cela ne pourra se faire qu’en offrant un service équivalent en train en investissant pour permettre à la gare de l’aéroport Charles de Gaulle d’être mieux reliée aux gares françaises et en traitant le sujet des bagages. 

5.  Agir au niveau national, mais également européen et international

Le transport aérien est par essence mondial : c’est pourquoi les efforts entrepris au niveau national doivent s’accompagner d’une action renforcée aux niveaux européen et international.

À ce sujet, il faut saluer l’action de la France, qui joue un rôle clé en faveur d’une réforme ambitieuse du système européen d’échange de quotas d’émissions, en cours de négociation dans le cadre du paquet de propositions « Fit for 55 ». C’est en effet sous la présidence française de l’Union européenne qu’une orientation générale a été adoptée pour prévoir la suppression progressive des quotas gratuits pour l’aviation entre 2024 et 2027.

6. Mieux encadrer la problématique des jets privés

Plutôt que d’interdire l’utilisation des jets privés, je préconise une meilleure régulation et une taxation plus importante. 

La majorité des vols sont intra‑européens et la moitié d’entre eux couvrent une distance inférieure à 500 kilomètres. Les émissions de CO2 de l’aviation privée sont en moyenne et par passager dix fois plus élevées que pour un vol classique. Je considère que les utilisateurs de jets ne doivent pas donner le sentiment qu’ils ne contribuent pas suffisamment aux efforts demandés à l’ensemble des Français. 

C’est pourquoi plusieurs mesures me paraissent bienvenues :

➜ Augmentation de la fiscalité sur les trajets effectués en jet privé.
Je propose ainsi une augmentation de la TICPE pour les vols non commerciaux effectués en jet privé ; un assujettissement à la TICPE du kérosène utilisé pour les vols commerciaux effectués en jet privé sur le territoire national ; et enfin une majoration de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) ou « taxe Chirac » pour l’ensemble des vols commerciaux effectués en jet privé.

➜ Prévoir des objectifs plus ambitieux d’incorporation de carburants durables pour l’aviation privée.
L’obligation pourrait être de 50 % pour les jets privés en France en 2025. Cette obligation concernerait également la flotte de la République, qui doit être exemplaire. 

➜ Accroître la transparence sur les voyages d’affaires effectués en jet, par le biais de la responsabilité sociale des entreprises.
Les trajets effectués en jet doivent faire partie des informations figurant dans la déclaration annuelle de performance extra-financière des entreprises. Chaque trajet devrait ainsi être justifié par l’absence d’alternative raisonnable.

Pour accéder au rapport complet (pdf), cliquez-ici.

Présentation du rapport en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire